L’océan, horizon infini où la houle des vagues me replonge dans mes souvenirs. Déjà 2 années que j’ai quitté ma zone de confort pour partir à la rencontre du monde. 30 000 kilomètres plus tard, je quitte l’Amérique du Sud avec beaucoup de gratitude. Une aventure qui transforme et que je vous conte brièvement avec beaucoup d’émotion.
Argentine.
Tes vents patagoniens mettent mon corps à rude épreuve. Forcé d’attendre l’accalmie de la nuit, je savoure ta pampa glacée surplombée par ton tapis étoilé. Tes gauchos, hommes solitaires, maîtres des grandes plaines, trottent sur leurs majestueux chevaux pour rassembler les troupeaux. Grande étendue, telle une poésie, tes vents sifflent aux oreilles de ces hommes ayant décidé de quitter la ville pour devenir libre.
Chili.
Patagonie somptueuse, où glaciers s’entrechoquent avec forêt primaire. Brute et intacte, ta nature impose le silence, hommage à la pureté. En 73, tu passes aux mains du pantin Nord-Américain, Pinochet. Le plan condor est lancé. Les eaux claires provenant de tes glaciers millénaires prennent des couleurs sanguinaires. Elles se propagent dans de nombreux pays de l’Amérique latine, où l’on ne compte plus les victimes.
Aujourd’hui, l’influence américaine à submerger tes supermarchés. Des fois, je me demandais si manger du plastique ne serait pas meilleur pour la santé. Ouvre les yeux, et regarde tous ces gamins souffrant d’obésité. Malgré tout Chili, tu restes un si beau pays.
Uruguay.
La petite Europe aux arômes de yerba maté. A pied, en voiture ou à vélo, « el Uruguayo » est toujours avec son thermo. Il verse soigneusement l’eau bouillante pour tremper les herbes sèches disposées dans sa tasse à maté. Le breuvage à point, il vous tend la tasse avec un sourire en coin. Le maté est avant tout un partage, une communion avec l’autre. Petit pays, grand Pépé Mujica. Je ne t’ai jamais admiré comme président mais plutôt pour ta vision de la vie. Si seulement les gouvernements pouvaient s’inspirer de ta modestie.
Paraguay.
Les récits d’antan nous parlaient d’un éden vert, d’un paradis sur terre. La terre aux mille rivières s’est aujourd’hui faite inondée par un tsunami. Le soja transgénique asphyxie ton peuple guarani, toujours le sourire aux lèvres pour oublier qu’il a tout perdu. Te traverser m’a fait beaucoup penser, beaucoup pleurer… triste histoire de l’humanité…
Brésil.
Bem vindo, fica vontade (Bienvenue, faits comme chez toi). Chaque foyer est une nouvelle famille prête à t’héberger. Incroyable fraternité dans un pays où les inégalités entre riches et pauvres ne cessent de se creuser. Les nageoires du dauphin rose se noient dans la grande Amazone. Le havre de biodiversité est en train de suffoquer. Brûlons pour la consommation, après tout il faut manger du bœuf pour être en pleine santé… Grand réservoir de Co2, le poumon vert de la terre a le cancer, qu’allons-nous faire s’il venait à disparaître ?
Bolivie
Cœur de la culture indigène, tu as tout pour me plaire. Ta géographie et tes altitudes démesurées sont à l’image de ta beauté. Extrême, la vie de ces peuples andins, luttant contre l’aridité des terres pour cultiver. Altiplano, déserts de sel, lagunes de couleur, transportent l’esprit dans un univers lointain. Tes écosystèmes sont si diversifiés, il ne te manque que la mer. Tant de fois tu as essayé de la récupérer sans aucun succès. Tes voisins te l’ont dérobé, mais ce que tu ne perdras jamais c’est tes sourires, ta culture et ton authenticité.
Pérou
Plusieurs heures pour arriver aux sommets pour ensuite ouvrir les ailes et glisser tel le condor à travers les courbes de ta magnifique cordillère. Des paysages enneigés au sable fin en une journée, les moments d’émotions n’ont guère manqué. Cœur de la civilisation inca, les apus, dieux des neiges « éternelles » sont en colère. Nombreux de tes glaciers sont menacés de disparaître. Le changement climatique fait sortir les rivières de leur lit, emportant vivres et vies. Espérons que le monde réagisse avant que ce ne soit pire…
Équateur.
La révolution citoyenne disait Rafael Correa. Au profit de qui ?. Peuple indigène shuar, l’industrie minière vous ronge comme des termites sur un bois mort. En moi, vous avez stimulé l’engagement. L’aventure est aussi l’expression de ses valeurs. Si votre cause est devenue la mienne, c’est parce que j’ai vu en vous des frères. Hommes sages n’exigeant qu’une vie de paix et de liberté, comment aurais-je pu vous laisser tomber ?
Les 3 Guyanes.
Contrées parfois oubliées, essentiellement parcourues par la dense forêt. Bien différents du monde latino, vous avez beaucoup d’histoires à raconter. Ce passé colonial à amener la diversité. Noirs africains, hindous, asiatiques, européens et autochtones, voici un mélange pas comme les autres. Les églises laissent placent aux temples et mosquées, un sentiment d’épopée dans l’ancien monde. Si ta culture est si différente, les frontières n’ont pas effacé l’amabilité. « Mi casa es tu casa », la vague latina s’est propagée. Beau peuple, sourires aux lèvres pour m’accueillir avec un délicieux curry guyanais.
Venezuela.
Il y a tant à dire sur ton cas. Tu m’as bouleversé. On m’avait tellement dit de mal de toi, qu’il me fallait te connaître pour voir la vérité. Malgré la famine et la précarité, ton peuple n’a pas perdu sa générosité. Surpris d’encore voir un étranger par ces temps, je vous remercie pour tous ces moments partagés. Comment oublier ces enfances effacées ; petit frère est adulte avant l’âge, il fouille les poubelles pour pouvoir manger… J’espère que le monde pourra comprendre que migrer n’est pas un souhait mais plutôt une obligation. « Suerte » (Chance) à ces milliers de migrants à la recherche d’une lueur d’espoir…
Colombie.
Dernier pays de ma traversée, tu m’as fait vibrer par ta bonne humeur et tes festivités. Un peuple qui par son histoire a beaucoup souffert. Il n’y a pas encore si longtemps, des milices ou autres groupes révolutionnaires ont fait couler beaucoup de sang sur tes terres. Si la FARC s’est plutôt tranquillisée, la demande de l’or blanc ne s’est jamais estompée. El perico (la cocaïne) peut faire exploser la cupidité de cualquier loco (de n’importe quel fou), te poussant une nouvelle fois sur un tremplin, celui de l’instabilité qui a tant fait partie de ton passé.
Pour ma part, C’est sur les rythmes de salsa que je te dis :
HASTA LUEGO SUR AMERICA
A tous ces gens, ces sourires, ces regards, ces moments, ces partages… Tout ce qui a fait ce voyage…